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La symbolique du couple Shiva Shakti
Au stade premier, l'union de l'être et de sa divine énergie est indivisible. Pour les besoins de l'explication et de manière très pertinente, la tradition y a vu pourtant comme un couple, celui de Shiva et de Shakti. Dans cette symbolique, Shiva représente l'être en la pure lumière de la conscience (Prakasha) et Shakti l'énergie de cette conscience lorsqu'elle s'ébranle et s'éveille à sa propre réalité (Vimarsha). Shiva symbolise l' ipséité (du grec ipsos qui signifie ce qui caractérise l'être) alors que la Shakti en représente sa propre réflexion. Cette énergie de conscience est sans cause, n'a véritablement ni commencement, ni fin, elle est pure spontanéité. À ce stade, Shiva et Shakti sont si étroitement unis qu'ils sont indissociables et forment comme un état en dehors de toute mesure. Pourtant cet état contient déjà toute la manifestation en son sein, mais seulement en potentialité, en l'état de germe (Bindu). Shiva préexiste ainsi à l'espace, alors que la Shakti préexiste à la durée. Shiva est inaltérable, indestructible, dépourvu du devenir, alors que la Shakti, portant en son sein toute la manifestation, engendre une intense vibration d'une nature purement affective. Shiva peut ainsi être représenté comme un puits sans fond et la Shakti comme la noria qui puise sans discontinuer ou encore respectivement comme l'océan calme et profond et la force du mouvement qui engendre les vagues, ou encore comme le miroir et les reflets qui s'y manifestent.... À ce stade d'existence non duelle, Shiva assume l'aspect statique de la conscience alors que la Shakti en représente l'aspect dynamique. C'est ainsi que pour notre compréhension, cet état sans état peut être vu comme un couple faisant l'amour. Tout d'abord car cette réalité première est fondamentalement extatique, débordante de félicité et empreinte d'une jouissance ininterrompue ; et ensuite car cette même réalité dessine ce qui est encore en latence dans un état non manifesté (Akûla), entièrement subjectif, parfaitement apaisé, sans pensée (Nirvikalpa) et dépourvu de tout concept (Nirvana). Être, conscience et béatitude absolue. (Sat, cit, ananda). Pour illustrer ce propos, il est remarquable de constater, lorsqu'on fait l'amour de manière naturelle et aisée, comment la raison s'efface pour ne faire place qu'à la seule sensation. C'est ainsi que nous provenons toutes et tous, inévitablement de cette étincelle de lumière produite lors de l'acte amoureux. À cet instant si décisif, notre comportement est d'ailleurs tout à fait dénué de raison et sous l'emprise intégrale d'une véritable "folie amoureuse". L'amour de l'être est ainsi le moteur de tout ce qui existe, aussi bien dans l'état non duel et subjectif (le non manifesté) que dans l'état duel et objectif (la manifestation).
Nous voyons ainsi comment agit la réalité de ce couple : cette conscience manifeste comme à l'extérieur ce qu'elle porte en fait à l'intérieur. Elle sonde si profondément sa nature et se mire si parfaitement dans ce miroir qu'elle ne se distingue pas de l'objet reflété. Ou encore et de la même manière, cette conscience se saisit si puissamment, prend possession de sa propre nature de manière si intense et vibrante, qu'elle devient un acte qui ne se distingue pas du sujet animé. Il n'y a ainsi aucune distinction véritable entre l'extérieur et l'intérieur, entre le macrocosme et le microcosme, entre l'univers et l'individu, entre le sujet et l'objet, entre le miroir et le reflet. En réalité il n'y a aucune distinction entre Shiva et Shakti, les textes disent qu'à ce stade la Shakti est parfaitement infuse en Shiva, tout deux sont une seule et même conscience en acte ou encore un seul et même acte de conscience. Cela dépend seulement par quel bout l'on tente de se saisir de cette réalité. Ce jeu de miroir est une véritable mise en abîme ne reposant que sur la dépendance d'un sujet s'étant é-pris de lui-même. Selon cette explication, le monde objectif qui se démontre à nos yeux est ainsi non fini ou infini, car il n'est qu'un reflet de notre propre intériorité. Il est semblable à un rêve ou encore à un sentiment d'affection pure. Comme il est impossible de mesurer de manière finie un sentiment, il est également impossible de trouver une limitation à ce monde car il est semblable à la profondeur du sentiment de l'être. Les scientifiques qui observent l'infini de l'espace inter-sidéral comme celui des particules élémentaires ne font qu'observer la vastitude et l'infinie profondeur de leur propre conscience. Quel paradoxe !
Ce paradoxe est justement celui d'une dualité apparente par laquelle l'être se mire comme dans un miroir. L'être trouve ainsi dans la relation au monde et plus encore dans la relation à l'autre le reflet de sa propre image. Cette séparation apparente lui procure le sentiment recherché, à savoir : Je suis Cela, Cela je le suis, Je suis Je, appelé encore science pure (Suddhavidyâ). En effet, sans dualité, ni sans réflexion sur lui-même, l'être ne pourrait se connaître et devenir un agent actif de soi, en somme : un être libre. En effet un pur sujet sans support, ni quelconque objet, ne perçoit rien et se trouve privé de sens. Cette conscience ne peut s'appliquer, reste inanimée, ne se connaît pas et dans ce cas là, ne possède aucune sensation d'existence. De la même manière un objet sans spectateur, ni conscience ne peut être connu, nul ne peut témoigner de cette réalité et dans ce cas là, il ne possède également aucune existence. Ce n'est qu'en présence de la dualité Sujet-Objet que la conscience devient plénière, ce n'est seulement que par cette dualité qu'elle devient une réalité patente et dûment éprouvée. Mais par là-même et de manière dépendante, l'être conscient engendre une formidable énergie de volonté et de désir. Cette attirance de l'être envers lui-même se retrouve dans l'attirance sexuelle et l'irrépressible désir de la chair. De la même façon que précédemment, le plan non manifesté va se projeter dans la manifestation pour révéler à l'extérieur ce qu'il contient à l'intérieur. Ce désir de l'être universel pour lui-même va se manifester par le désir sexuel et l'attirance instinctive envers le sexe opposé C'est un enjeu vital, car si la conscience n'avait plus le Sujet comme Objet, elle perdrait du même coup la conscience de son existence, elle s'effondrerait sur elle-même et retournerait dans l'inconscience, dans l'oubli. Il est donc tout à fait remarquable que l'être non seulement se révèle mais également se perpétue par l'acte sexuel. C'est l'archétype premier, l'enjeu de son existence, à savoir celui d'un désir intense et d'une volonté toujours renouvelée. En vérité plus la profondeur de l'être est touchée plus le plaisir procuré est grand, cet acte se vérifie aussi bien dans le monde physique par la copulation que dans le monde subtil par l'acte qui ne se distingue pas de lui-même.
Nous voyons combien la conscience peut être agissante de la façon la plus crue tout en gardant sa nature purement spirituelle. Ce qui est en bas est en haut, il n'y a aucune différence entre la plus grande spiritualité et l'acte amoureux, entre le profane et le sacré. Voir cela est une démystification complète de tous les tabous, des ignorances, des péchés ou des mérites que l'homme s'est évertué à distinguer dans la pratique des moeurs et de la sexualité. Dans la tradition tantrique, l'on ne devient, dit-on, un être réalisé que lorsque l'individu peut à la fois remonter jusqu'au plan le plus subtil et redescendre jusqu'au plan le plus grossier sans perdre pour autant la conscience de Shiva. Il parcourt l'échelle céleste aussi bien vers le haut que vers le bas en n'y voyant que la manifestation de la Shakti. Pour cet être pur, rien n'est entaché par le péché ou par la vertu, car ce qu'il éprouve à chaque instant et à chaque niveau de la manifestation, c'est le jeu amoureux du couple Shiva-Shakti. Il ne voit dans l'univers, et encore au-delà, que la libre volonté de la conscience, le coeur rendu amoureux. Pour l'individu qui réside au centre de cette union, il n'existe plus de bien ou de mal, il existe seulement le jeu des énergies, qui s'étant allées dans un sens, ne tardent pas à retourner dans l'autre. Si pour l'individu qui participe à ce jeu de balance, il lui faut veiller et s'efforcer, en somme rester responsable, en revanche pour celui qui sait unir le Sujet et l'Objet, sa responsabilité se trouve dégagée pour celle de la seule conscience, il est devenu impartial et insensible à l'intérêt particulier. De fait, en cette seule efficience, rien de mal ne peut advenir car tout y est justement accompli en la seule spontanéité de la conscience.
Mais rares sont celles et ceux qui peuvent ainsi, à loisir, ne jamais perdre la conscience de l'unité, ou encore l'unité de la conscience. Il s'agit d'un état purement intérieur et subjectif qui fait voir l'un dans le multiple et le multiple dans l'un. La plupart du temps, nous ne percevons que la multiplicité des phénomènes et la diversité de la manifestation. Nous nous laissons emportés par tous les objets de nos désirs et nous sommes sans cesse entraînés à la périphérie des sens. Il s'agit de la danse de Shiva (Nataraja) entouré par un cercle de feu, représentant tous les objets de la sensation auxquels s'appliquent nos multiples désirs. La Shakti ou principe femelle représentant ici l'objet, dans sa danse d'illusion (Mâya), persuade la conscience ou principe mâle représentant ici le sujet, qu'il n'est pas un mais multiple. La Shakti fait naître de son ventre le monde et la multiplicité des objets en leur donnant l'apparence de la succession temporelle. Les sujets perçoivent alors une réalité différenciée composée en apparence d'entités distinctes les unes des autres. Les êtres se trouvent ainsi séparés d'entre eux et de tout l'univers. Cette objectivité règne en maîtresse absolue et la vie des individus s'étend en apparence dans le temps et dans l'espace ainsi manifestés. Mais il faut considérer le pendant intérieur et la profondeur de l'être, car nous y trouvons une nouvelle fois, comme par reflet, la cause de cette formidable diversité. L'immensité de l'être est sans borne, son ressenti est si grand et si vaste, qu'il ne peut y répondre justement que par l'incroyable diversité de la manifestation.
Lorsque Shiva entre en contact avec la virginité de sa propre conscience, l'ex-pression de l'être et de sa Shakti devient alors démusurée. L'être empli de grâce, déborde de félicité, il exulte et fulgure de tous ses penchants. À ce titre le Soleil qui nous illumine de ses feux ardents, n'est autre que l'expression de cette même passion. Le soleil éclaire aussi bien le monde objectif qu'il nous éclaire sur l'activité intime de l'être universel. Il exprime l'ardeur amoureuse, la dévoration et le sacrifice de la vie. Qu'elle démesure ! Qu'elle intensité dans l'acte d'Amour ! et qu'elle profondeur de la conscience ! Cette affectivité de l'être est si puissante et si dévorante qu'il trouve à brûler, pour des éons de lumière, des quantités astronomiques de matière. Cette dernière image tente de traduire l'incommensurable production d'Amour déversée sur ce monde, elle donne aussi à penser combien la réalité première se trouve cachée derrière les apparences. Cet aspect secret de la réalité indique, dans l'urgence et pour cette vie même, qu'il est encore temps pour chacun d'entre nous de revoir notre échelle des valeurs. Chaque fois que nous nous détournons de l'enjeu amoureux de ce monde, chaque fois que nous devenons trop raisonnable, ou trop compliqué, ou encore trop attaché aux objets que prennent tous nos désirs, nous nous détournons également de notre propre accomplissement, nous nous éloignons de la vérité et de la réalisation de notre être le plus profond. Reconsidérer l'échelle des valeurs pour accomplir ce qui nous tient le plus profondément à coeur, est l'enjeu secret de ce monde. Réaliser notre essence divine et participer de notre mieux à ce débordement de joie et d'Amour devrait être notre seule préoccupation. Pouvoir s'élever à l'unisson de ces fréquences et de cette vibration générique (Spanda) est le seul objectif digne d'intérêt en cette vie même. Il ne demande aucun investissement matériel, mais bien plutôt un engagement sincère dans les pratiques du Yoga. Dans cette tradition, avec deux souffles et trois postures l'on reproduit directement en son sein l'acte amoureux de tout l'univers et l'on peut ainsi participer sans mesure à l'incroyable magnificence et la toute puissance de l'être. Cette réalité ne demande pas à être prouvée objectivement et scientifiquement, elle demande seulement à être éprouvée par soi-même dans l'intériorité et la pure subjectivité.
Faites comme Shiva et Shakti, saisissez vous de vous-même et entrez dans le Yoga, vous y trouverez tout ce que vous désirez et plus encore : libre à vous-même !