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LE PLAN B, POUR UN PACTE ÉCOLOGIQUE MONDIAL

Rendez-vous tous les jeudis matin 11H am sur Skype nom Skype: infopourmoi

 

LE PLAN B, POUR UN PACTE ÉCOLOGIQUE MONDIAL, Lester R. Brown, préface de Nicolas Hulot

 

Lester R. Brown dirige l’Earth Policy Institute après le World Watch Institute. C’est l’un desécologistes les plus respectés, notamment des économistes. Ses propositions ne sont certes pas nouvelles : une éco-économie qui voudrait écologiser l’économie marchande par la vérité des prix écologiques (c’est-à-dire par des écotaxes) ainsi que par des normes ou des écolabels, sans exclure pour autant des politiques étatiques (éducation, contrôle des naissances, santé).

 

Bien qu’on nous détaille le processus "d’effondrement" de notre civilisation par la

surexploitation de nos ressources (génératrice de conflits, de migrations, de pauvreté, de

terrorisme), le "plan Brown" pour sauver la planète semble d’une facilité déconcertante,

témoignant d’un optimisme technologique sans réserves et persuadé même que cette

mobilisation générale pour un monde plus durable sera générateur d’une nouvelle période de

croissance, très loin de menacer notre économie ou notre confort. Vraiment pas de quoi

s’inquiéter, juste un coup de collier à donner pour redresser la barre !

 

Il ne faut donc rien attendre de vraiment révolutionnaire dans ce livre qui date de 2006, même

si on y parle de "révolution environnementale" mais uniquement dans le sens d’une nouvelle

"révolution industrielle" boostée par de nouvelles énergies et de nouveaux marchés. Pour

autant, on aurait bien tort de mépriser ce qui constitue une sorte de "programme minimum" desurvie, même s’il ne vise qu’à rendre un peu plus durable notre mode de développement, car il reste à peu près le seul programme actuel des écologistes qui soit considéré comme crédible (repris notamment par Nicolas Hulot). Il présente l’avantage de sembler pouvoir être mis en place assez rapidement, puisqu’il ne change rien au système, et d’attirer au moins l’attention sur les grands chantiers du moment même si on peut trouver avec quelques raisons que c’est bien insuffisant, trop irréaliste et complètement déconnecté des transformations de l’économie à l’ère de l’information...

 

Lester Brown est un agronome, comme René Dumont, c’est donc une écologie agricole qui

s’attache surtout aux défis qu’il nous faut relever pour nourrir la population mondiale et les

moyens dont nous disposons pour cela. On peut considérer que c’est cela l’écologie, la gestion

des ressources rares, mais on peut considérer aussi que c’est un point de vue bien trop

unilatéral et économiciste, négligeant beaucoup trop la dimension politique. D’un autre côté, il y a des écologistes qui défendent une mystique de la nature complètement hors de propos et

déconnectée des enjeux réels, diabolisant un peu trop la technique et le marché en même

temps qu’ils idéalisent le pouvoir de la politique ou de la transformation personnelle. On voit

que l’éventail est large.

 

Entre les deux, pas facile de trouver la bonne mesure pour construire, dans le sillage d’André

Gorz, une écologie politique émancipatrice qui ne soit pas une pure utopie mais épouse la

richesse des possibles et tire parti des opportunités du moment et des nouvelles technologies

pour sortir du productivisme salarial. (...) C’est l’écologie-politique de l’avenir qu’il nous faut

construire, pas celle des mondes industriel ou agricole qui font un retour remarqué mais

temporaire sans doute et qui n’arrêtera pas leur déclin (de 80% à moins de 10% des emplois

pour l’agriculture, et l’industrie suit !).

 

On pourrait considérer que les démarches sont complémentaires. C’est le point de vue que je

défendais dans ma tentative d’évaluation des alternatives écologistes où je mettais l’éco

économie au plus immédiat de ce qu’on peut faire. Cela n’empêche pas de véritables

divergences, notamment sur l’importance que doit prendre l’immatériel puisque, pour Lester

Brown, l’économie de l’environnement est une nouvelle "économie matérielle" prenant le relais de l’industrie : activités de recyclage, de gestion environnementale, production d’éoliennes en série, etc. Dès lors, si les produits et les énergies changent, rien ne change dans la production ou l’organisation du travail. L’accent est mis sur la consommation, ce qui semble certes complètement logique sauf qu’à changer le travail lui-même on change la vie bien plus sûrement, et les modes de consommation, en sortant de la logique productiviste du capitalisme salarial au profit du travail autonome et de la réappropriation de sa propre activité, en libérant les énergies et en développant l’autonomie plutôt qu’en renforçant les contrôles. (...)

 

En dépit de ces divergences profondes sur les analyses ou le mode d’action, et même si ce n’estqu’un minimum ou de simples voeux pieux, nous nous accordons malgré tout sur la plupart desobjectifs que nous allons passer en revue avant d’en faire la critique.

 

Au premier chapitre, nous avons conclu que le modèle économique occidental - l’économie dujetable, fondée sur les carburants fossiles et centrée sur l’automobile - n’était pas viable pournotre monde. Au contraire, la nouvelle économie sera basée sur un recyclage extensif, sur lesénergies renouvelables et sur un système de transport diversifié s’appuyant plus sur le rail, lesbus, les bicyclettes et moins sur la voiture.

 

Eradiquer la pauvreté et stabiliser la population

 

Vaste programme... La grande idée c’est que la réduction de la population permet de réduire lapauvreté, ce qui permet de réduire la population, etc.

Pour enclencher cette boucle de rétroaction positive (ce cercle vertueux), l’éducation, des

femmes surtout, semblerait suffisante et on peut démultiplier rapidement l’éducation en

formant des éducateurs.

La distribution d’un repas aux enfants qui viennent à l’école serait le moyen d’assurer cette

scolarisation des plus pauvres tout en participant à la réduction de la pauvreté. C’est sûrement àencourager mais pour éradiquer la pauvreté cela devrait s’avérer malgré tout un peu court.

On ne peut négliger ici la dimension politique dont Amartya Sen a montré le caractère décisif.

L’auteur souligne avec raison l’importance du planning familial et de l’accès aux moyens de

contraception. C’est aussi le préalable à la lutte contre le SIDA mais il faudrait pour cela

fabriquer d’abord 10 milliards de préservatifs par an !

 

Pour la santé, la grande idée cette fois, c’est les toilettes sèches qui préservent l’eau des

contaminations fécales. Pour le reste il faut compter sur la vaccination, la prévention

(l’information) et la réduction du tabagisme qui est déjà bien entamée (la France étant

considérée comme un des pays où l’on fumait le plus mais en net régression désormais).

 

Là-dessus, en réduisant la dette des pays pauvres et les subventions des pays riches à leur

agriculture, on espère recréer les conditions d’une concurrence plus loyale. C’est assurément

une condition nécessaire mais c’est loin d’être la seule et l’annulation de la dette elle-même, on

le sait, n’est pas sans effets pervers, sans compter que ses bienfaits dépendent des

gouvernements en place...

 

Combien cela coûte de s’acheter un monde sans pauvreté ? Pas cher du tout, 68 milliards de

dollars (à ce prix là, c’est donné) dont 16 pour l’éducation et 33 pour la couverture maladie.

 

Remettre la planète en état

 

Pour les forêts, la solution c’est le papier recyclé, la fin des Kleenex (sortez vos mouchoirs) et la

réduction du bois de chauffage (pas en France encore).

 

Pour les sols, c’est le "non-labour" qui permettrait de les reconstituer. Pour l’eau ou la pêche, la

solution ne peut être que politique (réserves marines). Le succès repose sur l’existence

d’institutions capables de mettre en oeuvre une procédure de répartition entre des utilisations

qui entrent en compétition, d’une façon optimisant le retour vers la société dans son ensemble, plutôt que vers un petit nombre de parties prenantes au dépend des autres.

 

Cette fois, c’est un peu plus cher de remettre la planète en état, mais rien d’excessif, 93 milliards.

 

 

Nourrir correctement 7 milliards d’individus

 

Là, on est dans la partie de Lester Brown, celle d’une agriculture durable. Il faudrait d’abord des

polycultures optimisées en fonction des sols. Ensuite, le goutte à goutte serait la réponse au

manque d’eau. Enfin, il faudra changer de régime, la consommation de viande étant très

coûteuse en ressources. Il ne faudrait pas pour autant devenir végétariens mais privilégier

simplement le poulet sur le boeuf, de même que pour les poissons (d’élevage), il faudra

abandonner les poissons carnivores comme le saumon au profit de la carpe ou du poisson-

chat. Plus généralement, il s’agit de "se déplacer vers le bas de la chaîne alimentaire", évolution

déjà en cours dans les pays riches pour de simples raisons de santé.

 

Stabiliser le climat

 

Sur le climat, je serais plus réservé car l’éolien qui est présenté comme LA solution à la

production d’énergie ne me semble pas tellement d’avenir même si c’est ce qui est le plus

rentable pour l’instant et qui se développe exponentiellement. Les progrès accélérés du solaire

devraient généraliser plutôt le photovoltaïque sans doute d’ici quelques années. De toutes

façons on peut penser qu’on aura besoin de combiner effectivement toutes sortes d’énergies

(solaire, éolien, géothermie, agrocarburants).

 

Bien sûr le premier gisement est celui des économies d’énergie et de l’efficacité énergétique

(mais il faut se méfier de l’effet rebond où la baisse de consommation obtenue entraîne une

hausse de l’usage et finalement une hausse des consommations !).

 

Pour les voitures, la solution viendrait des moteurs hybrides et de la réduction de leur poids. Je

ne m’appesantis pas sur le sujet mais on peut trouver son traitement un peu faible. Ce n’est pas

que la question n’y soit pas considérée comme fondamentale puisque la fabrication massive

d’éoliennes est la pièce maîtresse de l’industrie écologique exigeant une mobilisation

comparable à une économie de guerre devant produire des avions par milliers !

 

Concevoir des cités pérennes

 

Voilà, on a presque tout réglé. Reste la vie en ville et les bidonvilles qui font désordre. Les villes

sont faites pour les piétons ou les bicyclettes et non pour les voitures, d’où l’importance des

transports urbains et des voies piétonnières, mais l’urbanisation ne se poursuivra peut-être pas

et pourrait même s’inverser grâce à internet en particulier, qui fait ici une toute petite

apparition... La grande idée cependant, ce n’est pas de mettre les villes à la campagne, c’est de

faire de l’agriculture en ville (jardins communautaires), ce qui est une bonne idée sans aucun

doute mais qui ne peut assurer une partie notable de l’approvisionnement dans les zones

urbaines surpeuplées.

 

Il faudrait aussi remplacer les égouts par le compostage et le recyclage des déchets. On avouera que là aussi, on peut trouver que c’est un peu décevant quand même, surtout à cause de l’absence de toute dimension politique.

 

La construction de la nouvelle économie (critique)

 

Tout cela est fort bien, tous nos problèmes résolus pour 161 milliards, une paille par rapport aux mille milliards de dépenses militaires. On s’affolait pour rien, au fond. Il suffit d’en convaincre notre gouvernement mondial et notre Terre pacifiée.

 

La "nouvelle économie" dont il est question ici, n’est pas très différente de l’ancienne. Ce n’est

pas du tout la "nouvelle économie" de la bulle internet mais juste une relativement légère

correction à un système capitaliste qui serait inévitable, sinon naturel ou bon en soi, mais en

tout cas sans alternative pensable. La "révolution environnementale" ne consiste qu’à prendre

la suite de la révolution industrielle avec de nouvelles énergies, une nouvelle fiscalité et de

nouveaux produits.

 

Pour l’auteur, le premier principe d’une économie écologiste serait la transparence des coûts

afin de pouvoir piloter l’économie, une nécessaire "vérité des prix" écologique, c’est-à-dire

l’internalisation des externalités par des taxes (c’est le mot d’ordre "pollueurs payeurs") et

l’orientation des mécanismes de marché vers les solutions les plus écologiques (écolabels,

normes, subventions). Ces mécanismes correctifs (de régulation par le marché) sont sensés

rendre le productivisme capitaliste plus efficace écologiquement, moins destructeur et plus

durable. C’est donc ce que j’ai appelé le "productivisme durable".

 

Dans cette perspective, il n’y aurait aucune antinomie entre écologie et croissance économique, bien au contraire. On est d’autant plus éloigné de toute décroissance que la croissance est un facteur de réduction de la population. On est même plutôt dans une "économie de guerre" qui mobilise toutes les capacités productives. On est tout aussi loin d’un changement de civilisation puisqu’il s’agit de "se mobiliser pour sauver notre civilisation" ! Il suffirait pour cela de fabriquer des éoliennes et des bicyclettes plutôt que des voitures et de généraliser le recyclage, d’interdire les produits jetables, etc.

 

L’environnement constituerait ainsi une nouvelle économie matérielle créatrice d’emplois (avec

plein de réparateurs de bicyclettes !).

 

Si la lutte contre la pauvreté est une des priorités de ce "plan B", il n’en est pas de même de la

lutte contre les inégalités qui ne semble pas être un problème alors même que le

développement des inégalités et la perte de légitimité de la classe dominante ont été la cause

de l’effondrement d’au moins autant de civilisations que des causes purement

environnementales.

 

C’est d’ailleurs la faiblesse du livre de Jared Diamond (Collapse), auquel il est fait référence de

façon récurrente, de privilégier l’étude des causes adaptatives (y compris culturelles) par

rapport aux causes internes (politiques), ce qui amène Lester Brown à négliger un peu trop la

question des inégalités (qu’il ne s’agit pas de supprimer mais de réduire : les inégalités sont le

produit de la civilisation et facteurs de richesse tant qu’elles restent modérées et ne fracturent

pas le corps social). En effet, loin de militer pour une réduction des inégalités, c’est ici la

diminution de l’impôt sur le revenu qui est présenté comme la contrepartie possible des

écotaxes (même si on parle un peu après de réduire plutôt les cotisations salariales ce qui est

une bien meilleure solution dans les pays qui n’ont pas les niveaux d’imposition de la Suède).

 

Plus généralement, le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’y a aucun souci d’écologie sociale

dans les écotaxes qui sont supportées par les plus pauvres sans gêner les plus riches. Comme

tous les mécanismes de marché, les écotaxes aggravent les inégalités en donnant l’exclusivité du droit de polluer aux riches mais, par dessus le marché, elles prétendent donner un prix à la

pollution, ce qui s’avère bien souvent impossible. La faiblesse de ces théories économiques,

c’est de croire un peu trop à une possible mesure objective de la valeur (que ce soit le CO2

incorporé ou l’énergie incorporée, appelée "émergie" par certains !). Le juste prix est un mythe.

 

Depuis longtemps (Pigou 1920, Odum 1955, Georgescu-Roegen 1966) on a cherché à intégrer

dans l’économie les coûts écologiques mais non seulement il est difficile de les évaluer et de

s’accorder sur leur valorisation mais on ne peut absolument pas internaliser toutes les

externalités, tout n’est pas mesurable ni quantifiable ou linéaire ! Enfin, on sait depuis Hayek au moins que l’hypothèse d’une information parfaite est intenable et qu’on est toujours dans une dissymétrie de l’information.

 

L’économiste néoclassique est ici en retard sur l’ordre spontané du néolibéralisme qui n’est pas

forcément un ordre juste (d’ailleurs Lester Brown s’en méfie et parle d’une "main invisible

aveugle").

 

Ce n’est pas dire qu’on pourrait se passer d’écotaxes mais cela n’empêche pas que c’est un

point de vue qu’on peut trouver légitimement beaucoup trop unilatéral, ne tenant pas compte

des différences de civilisations et de situations, de la cohésion des sociétés, de la forme des

gouvernements, des rapports de force, des incertitudes... C’est le défaut de l’économie de

raisonner trop globalement en faisant abstraction des divisions sociales et des rigidités

structurelles. On fait comme s’il y avait unification du monde et gouvernement mondial sous

prétexte qu’on a déjà la globalisation !

 

Je me moque, mais j’ai tort car le meilleur argument ici, je le répète, c’est la faisabilité à court

terme puisqu’il n’y a rien à changer, ou presque, en dehors de la fiscalité et de normes, avec des effets à court terme qu’on ne saurait négliger.

 

Reste qu’on peut regretter d’occulter ainsi la nécessité d’alternatives locales à la globalisation

marchande et surtout que ces théories restent prisonnières de l’ancien schéma industriel

fordiste, incapables de prendre en compte les transformations considérables que nous vivons

dans la production comme dans la consommation, le passage de la société énergétique à la

société de l’information. La relocalisation de l’économie est à peine abordée dans le livre alors

qu’elle est un des fondements d’une écologisation de l’économie avec l’humanisation du travail.

Ce n’est pas tant du côté de la consommation qu’il faut prendre le problème, mais de la

production, de l’épanouissement du travailleur et de sa valorisation.

 

Certes, l’alternative semble impensable d’être pensée selon les anciens modèles

révolutionnaires, centralisés, étatiques. Il y a pourtant des modèles plus adaptés à une

production de plus en plus immatérielle et en réseaux, une économie de service et de la

connaissance ou de la créativité. Ce sont des modèles décentralisés où il n’y a besoin que d’un

pouvoir local (des monnaies locales notamment).

 

Bien que ces modèles ne soient pas familiers et sembleront bien exotiques, ce sont les voies de

l’altermondialisme et d’un écologisme municipal dont il ne faut pas sous-estimer toute

l’importance. Au-delà de la réorientation de l’économie par les écotaxes, qu’on sache du moins

qu’une alternative est possible dès maintenant au niveau local, institutions du travail autonome

(d’une alternative au salariat), du développement humain et de la relocalisation de l’économie :

coopératives municipales, revenu garanti et monnaies locales qu’il faudrait faire mieux

connaître même si elles semblent si loin des préoccupations actuelles...

                                                                                                                                  --Jean Zin –

-Article du 9 mars 2008, reproduit avec permission

http://jeanzin.fr

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Lire : http://www.earth-policy.org/datacenter/pdf/80by2020_french.pdf

          http://www.parismatch.com/Actu/International/Nous-n-avons-ni-plan-B-ni-planete-B-Sauver-la-Terre-Ban-Ki-Moon-792642#

Film H.O.M.E. (FR) : https://www.youtube.com/watch?v=NNGDj9IeAuI&t=981s

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